Remueur, un Héritage - Champagne Philipponnat

Remueur, un Héritage

Entretien avec Florian Bertaud, remueur chez Philipponnat depuis neuf ans

Remueur, un Héritage - Champagne Philipponnat

Comment avez-vous rejoint la Maison ?

J’ai toujours travaillé en Champagne. Mes parents et mes grands-parents, qui habitaient à Mareuil, avaient des vignes dans lesquelles j’ai œuvré tout petit. J’ai rejoint une école de viticulture à 14 ans, avant de commencer à travailler chez un premier patron. Un jour, j’ai eu envie de voir autre chose. J’ai envoyé mon CV spontanément chez Philipponnat, et j’ai eu la chance d’être pris. Cela va faire neuf ans que je suis là. Aujourd’hui, j’ai deux casquettes. J’ai la charge du remuage avec mes collègues Valérie et Vincent lorsque l’on a besoin d’un coup de main. Je fais aussi partie de l’équipe de Thierry Garnier, Chef de Caves de la Maison, pour le travail de cuverie, d’assemblage et de tirage.

 

Qu’est-ce que le « remuage », cette étape dont vous êtes l’artisan principal chez Philipponnat ? 

C’est une étape capitale qui permet d’éliminer le dépôt de levures (les lies) qui s’est formé dans la bouteille durant la « prise de mousse » (seconde fermentation en bouteille). Le remuage dure environ un mois. Il consiste à faire descendre progressivement ce dépôt dans le col de la bouteille. Concrètement, les bouteilles sont placées à l’horizontale sur des pupitres. Chaque jour, elles sont manuellement remuées et tournées d’environ 1/8ème ou 1/4 de tour tout en étant redressées progressivement jusqu’à la position verticale, tête en bas. Chaque bouteille est « tenue » (remuée) 20 à 30 fois entre le moment où elle est placée sur le pupitre (le « pointage ») et la reprise des bouteilles (le « dépointage ») pour les dégorger et expulser les lies. La difficulté du remuage est plus grande chez Philipponnat en raison du format particulier de nos bouteilles, qui se calent différemment avec les pupitres, ralentissant la descente du dépôt. Cela exige une rigueur sans faille dans l’observation du parcours de ce dépôt jusqu’au col. En cas de doute, deux rotations supplémentaires peuvent être effectuées à la fin sur encore deux ou trois jours pour un résultat optimal.

 

Chez Philipponnat, quels Champagnes sont remués à la main ?

Ce sont les cuvées millésimées Clos des Goisses, Clos des Goisses Rosé, 1522, 1522 Rosé, Blanc de Noirs et Grand Blanc qui sont placées sur pupitre et remuées à la main. Les profonds caveaux de la Maison disposent de suffisamment de pupitres pour accueillir 15 000 bouteilles par mois. Il faut donc remuer toute l’année, quand une série est terminée, elle est dépointée et remplacée par une nouvelle à pointer. Actuellement, le remuage se concentre pour une partie sur le Clos des Goisses 2016, et une autre partie sur la cuvée 1522. Pour remuer autant de bouteilles avec qualité et précision, il faut avoir le bon geste. Tout est dans les mains et dans le poignet, il faut réussir à prendre le coup de main. J’ai appris ce savoir-faire jeune, en regardant mon grand-père remuer.

 

Pourquoi faire le choix d’un remuage manuel ?

Aujourd’hui, des gyropalettes permettent de reproduire les mouvements du remueur de façon automatisée. La grande différence entre le remuage manuel et le remuage automatique, c’est le temps : sept jours en gyropalette contre trente jours en manuel ! Pour autant, chez Philipponnat, nous tenons à préserver notre tradition et notre savoir-faire en travaillant à la main, d’autant que les cuvées concernées vieillissent très longtemps. Ma collègue Élisa, qui m’a précédé, a consacré 42 ans à cette tâche, remuant chaque jour ces précieux flacons. Les visiteurs apprécient nous voir à l’œuvre, et sont toujours curieux de savoir ce que nous faisons.