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Échange croisé entre Charles Philipponnat et Thierry Garnier, Chef de Cave
Vous venez de déguster les vins clairs issus de la vendange de l’année dernière. Quelles sont vos premières impressions ?
Thierry Garnier
L’année 2022 aura marqué les esprits par les fortes chaleurs de juillet puis d’août et la quasi-absence de pluies. Cela nous a imposé de bien anticiper en adaptant nos pratiques culturales, pour limiter l’impact de la chaleur. Nous avons obtenu des raisins sains au moment de la vendange, sans surmaturité. Avec une moyenne de cuverie à 11 degrés naturels, nous avons fait le choix de préserver l’équilibre de nos assemblages en bloquant la fermentation malolactique, un choix positif au final. Avec l’impact de la chaleur sur la végétation et la pluviométrie presque nulle, nous aurions pu avoir des vins très ouverts, au moment de la dégustation des « vins clairs ». Heureusement, nos vins sont encore relativement fermés, ce qui est bon signe quant à leur capacité à vieillir en cave.
Les vins issus de nos parcelles de Pinot Noir sont très homogènes, ils offrent de beaux arômes de fruits noirs et gourmands, sur la mûre et la cerise, avec toute la vinosité recherchée chez Philipponnat. Leur longueur en bouche est très belle, avec des notes finales épicées et poivrées. Les Chardonnay sont plus hétérogènes, avec un peu moins de tension minérale et de fraîcheur. Ils offrent d’agréables expressions aromatiques de fruits exotiques (ananas, mangue) et d’agrumes, avec des notes assez ensoleillées.
Les choix d’assemblage sont plus faciles dès qu’on a des raisins sains et de qualité sans surmaturation des baies. Certaines évidences s’offrent à nous, et c’est très bien. Le choix des parcellaires s’impose de lui-même. 2022 est une superbe année pour un vinificateur, qui nous permettra de millésimer un plus grand nombre de cuvées… y compris, peut-être, le Clos des Goisses Juste Rosé, réservé aux années vraiment exceptionnelles. Il nous faut attendre l’essai d’assemblage final pour avoir la réponse en avril, mais, à date, le potentiel est bien là !
Questions croisées…
Votre coup de cœur de dégustation ?
Charles Philipponnat
Il m’est difficile de choisir, tant les raisins étaient universellement d’une qualité sanitaire et d’une maturité parfaites. Je retiendrai : Les Cintres, la parcelle centrale du Clos des Goisses, très droite et tendue, sur la craie, sans doute aidée en ce sens par la sécheresse qui caractérise le millésime 2022. Et Ay, bien sûr, dans notre vignoble du « Léon », au caractère de pierre à feu et d’épices froides, de gingembre.
Thierry Garnier
Le parcellaire de Mareuil-sur-Ay « Rémissonne » : des touches d’agrumes, élaborées, des notes de sous-bois, des notes vanillées tout en finesse. En bouche, le bois apporte la structure tannique qui met très bien en valeur le fruit du Pinot Noir. Géographiquement c’est une parcelle proche du Clos des Goisses, un peu plus tournée à l’Ouest, sa pente est à 25%, dans la continuité du Clos des Goisses côté village. Elle a sa propre personnalité.
Un millésime comparable ?
Charles Philipponnat
Paradoxalement, la sécheresse a donné un caractère très « minéral » et légèrement fumé, sans aucune lourdeur, au millésime 2022. La chaleur est restée très présente jusqu’à la fin de la vendange, mais sans grands extrêmes. Les rendements généralement assez abondants ont contribué à des équilibres élégants malgré une acidité plutôt basse, compensée par une légère astringence. Le millésime le plus similaire me semble être 1982. Encore une belle année en « 2 » pour l’année des 500 ans de présence de la famille en Champagne !
Thierry Garnier
1990, un millésime solaire qui a montré tout son potentiel jusqu’à aujourd’hui. Et plus récemment, les millésimes 2015 et 2018 : d’autres millésimes chauds avec des caractéristiques aromatiques proches… qui rendent la comparaison plus objective !
Si le millésime 2022 était un animal ?
Charles Philipponnat
Un félin, souple et élégant, secret, doux à la caresse mais au fort caractère et finalement vigoureux. Un guépard.
Thierry Garnier
Ce serait un papillon : il commence par sa phase de chrysalide avant de se révéler. Lorsqu’il va sortir dans quelques années après le vieillissement en cave, il montrera tout le potentiel d’un millésime solaire. On retrouve ce contraste entre des notes fines et élégantes au nez, et toute la puissance du terroir en bouche. Au final ce sera un vin fin, léger et aérien.
